Le site de commerce en ligne eBay poursuit sa mutation à marche forcée. Asséché, le fleuve d’annonces pour des objets d’occasion à saisir à des prix défiant toute concurrence ; finie, l’attente angoissée les yeux rivés sur le compte à rebours d’une enchère placée sur une robe en rupture de stock partout ailleurs. Fondé en 1995 par le Franco-Iranien Pierre Omidyar, le groupe a de nouvelles ambitions.
Pariant sur le shopping « inspirationnel » et la popularité des réseaux sociaux de photos comme le très en vogue Pinterest, la société vient de lancer, en France, une nouvelle fonctionnalité baptisée « Collections ». Elle permet de créer des « tableaux » virtuels pour composer une liste d’envies glanées au fil des recherches sur le site. Chaque « ebayeur », qu’il soit acheteur ou vendeur, particulier ou professionnel, peut en créer une ou plusieurs selon ses goûts, et s’abonner à celles qu’il trouve intéressantes, ou plutôt « inspirantes ».
« LES COLLECTIONS SE CONVERTISSENT EN TRANSACTIONS »
Ces tableaux, comme sur Pinterest, peuvent être publics ou privés et être partagés sur Twitter, Facebook ou… Pinterest. Disponible sur tablette, cette fonctionnalité sera accessible sur smartphone d’ici à la fin de l’année pour coller à l’essor des usages : 40 % des transactions réalisées sur eBay transitent en effet à un moment ou un autre par le mobile.
Cette invitation à la flânerie virtuelle vise à renforcer le statut d’eBay en tant que « carrefour d’audience », explique Alexander von Schirmeister, vice-président pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient, qui souhaite naturellement que « les collections se convertissent en transactions ». « La navigation à travers des collections fonctionne différemment de la navigation par mots-clés, explique-t-il, la collection a pour but de s’inspirer, mais aussi de faire monter le désir, de se dire qu’un jour on s’offrira tel ou tel produit. »
Alors que le commerce en ligne continue à croître fortement (+ 13,5 % entre 2012 et 2013 en valeur, en France, selon les chiffres de la Fevad, le syndicat professionnel du secteur), eBay doit faire preuve d’inventivité pour se positionner face à la concurrence. Celle d’Amazon, bien sûr, malgré un modèle économique différent (Amazon achète et stocke) ; celle plus inattendue du Bon Coin, qui a aspiré une partie des petites annonces consacrées aux objets du quotidien, à des prix modérés, et de plus en plus rares sur eBay.
LA FLÂNERIE QUI ATTIRE LES ANNONCEURS
Avec ses 700 millions de produits disponibles à la vente, ce dernier restait, en 2013, le quatrième site de commerce en ligne le plus visité en France, mais son modèle a beaucoup évolué en dix ans.
La part des ventes aux enchères est passée de 80 % au début des années 2000 à 25 % environ des transactions aujourd’hui. Les ventes à prix fixe sont devenues largement majoritaires et marquent le passage d’un site « transactionnel dur et froid à un site plus “inspirationnel” », où la part des amateurs se réduit rapidement au profit de celle des professionnels, explique M.von Schirmeister.
De fait, les « places de marché » – où les vendeurs professionnels, petits ou gros, peuvent vendre sur un site marchand comme Amazon, Fnac, eBay, etc. – ont concentré, au premier semestre, un tiers de l’ensemble des transactions. « Les enchères ne sont pas adaptées à tous les produits, souligne M. von Schirmeister, la demande est de plus en plus forte pour le neuf, et en achat immédiat. » L’internaute ne peut plus passer des heures à « rafraîchir » une page pour surveiller une enchère ; il consacre moins de temps à ce type d’achat.
Avec le lancement de la fonctionnalité Collections, « eBay fait tout ce que les sociétés du Net font quand elles atteignent une taille critique, explique Yannick Franc, manager chez Javelin Group. Elles mettent à profit leur trafic pour innover et se diversifier. » « Avant, on cherchait et on comparait les produits en ligne, ajoute-t-il, aujourd’hui, on surfe pour s’inspirer. »
Flâner en ligne, c’est aller de page en page, être tenté de passer plus de temps sur le site, c’est donc autant de trafic généré en plus. De quoi attirer les annonceurs, même si eBay n’a pas prévu de monétiser les collections en tant que telles pour le moment.
« La force d’eBay est de proposer un catalogue très large, souligne encore M.Franc, les Collections peuvent contribuer à valoriser cette offre et, si cette communauté vit, elle peut être un puissant facteur de développement. » Avec à la clé, du chiffre d’affaires en plus, bien sûr, mais aussi un critère de différenciation dans un secteur fortement concurrentiel.
Source : Le Monde
http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/09/12/ebay-s-aventure-dans-les-reseaux-sociaux-de-photos_4486790_3234.html